Dès l’origine du capitalisme, la critique sociale porta sur la nature même de l’entreprise, qui donnait aux entrepreneurs le pouvoir d’orienter l’économie à partir de leurs intérêts ou de leurs projets. Critique radicale au sens où elle mettait en cause l’accumulation de moyens et de ressources économiques, et leur contrôle par les seuls détenteurs du capital. Le libéralisme dominant arguait que des milliers de petits entrepreneurs se faisant concurrence sur les marchés ne pouvaient imposer leur volonté à la société.
Cet argument fut fragilisé par l’apparition de la grande entreprise associée à la production et à la consommation de masse dans les années 1930. Elles avaient la capacité d’agir sur la société tout entière du fait de l’industrialisation des biens puis des services, des positions dominantes qu’elles pouvaient détenir mais surtout de ce que le philosophe Ivan Illich appellera les « monopoles radicaux », c’est-à-dire la production de produits qui formatent le goût et déterminent certains types de consommation de masse au point d’éliminer toute alternative (Ivan Illich, La Convivialité, Seuil, 1973).
La planète pour espace vital Face à ces grandes sociétés nationales, l’Etat-nation était considéré comme un rempart naturel. Il pouvait définir les règles du jeu économique, éviter les abus de position dominante, voire démanteler les monopoles. La fiction des « trente glorieuses » opposa le pouvoir économique des grandes entreprises au pouvoir politique des Etats. La logique libérale se satisfaisait de cet équilibre puisque, finalement, il rendait le capitalisme socialement acceptable. Les multinationales étant supposées être sous la tutelle du politique, leur gouvernance était un sujet secondaire. (…)