« (…) L’existence de sous-hommes dont la dignité peut être sacrifiée sur l’autel du productivisme est le moteur de ce cercle infernal. Nos hommes et femmes politiques peuvent nous vendre à loisir le développement durable et autres fadaises recouvertes d’une mince couche d’écologie et d’éthique, l’obsession de la croissance oblige à asservir une partie toujours plus grande de l’humanité pour des motifs économiques. Le seul moyen de redonner sa dignité à l’homme est de rompre avec cette logique. Il ne s’agit pas de reprendre la vieille lune malthusienne de la décroissance de la natalité. Le malthusianisme n’est pas la décroissance. C’est l’égoïsme se donnant bonne conscience pour continuer à se goinfrer de gâteau en espérant que les convives seront moins nombreux. En tournant le dos à la croissance du seul PIB à tout prix, l’humanité s’extrairait d’une logique dans laquelle ne vaut que ce qui rapporte davantage, elle redonnerait toute sa place à la gratuité, valoriserait toutes les dimensions de l’homme non mesurables économiquement. Elle romprait avec une logique de marchandisation de ce qui devrait être désintéressé (éducation, accès à l’eau…). La religion de la croissance nous impose une pensée centrée sur la quantité, le court terme, l’aveuglement et la servitude volontaires. Elle abaisse même l’homme qui a la chance de n’être « que » consommateur et le conduit. La décroissance pense l’homme dans sa globalité. Elle lui redonne le droit d’être un être de pensée, un être social, complexe, limité, parfois faible, elle relégitime l’aspiration spirituelle et le rétablit dans son intégrité. Elle permet à l’espèce humaine de se perpétuer sans craindre la surpopulation. Loin de l’individu unidimensionnel du modèle croissanciste, c’est un « humanisme intégral » que prône la décroissance. Nous n’avons plus le choix. Nous devons trancher entre décroissance choisie et déchéance subie. »
Mahaut Herrmann, Revue Limite, sept 2015.