« Aucun des concepteurs de l’« intelligence artificielle » n’a pour but de faire une machine si sophistiquée qu’elle parvienne à cet exploit de déclarer par sa voix de synthèse : « Débranchez-moi, s’il vous plaît, je suis insuffisante. » Si l’« intelligence artificielle » visait la stupeur, et non le calcul, ce serait vraiment le signe de son intelligence, c’est-à-dire de son ouverture à ce qui la dépasse. La machine se mettrait à jeûner d’électricité et à prier pour être arrachée à la prison du calculable. Mais avec une telle perspective, je le crains, le projet de fabriquer une « intelligence artificielle » n’aurait jamais vu le jour.
Je suis même tenté de penser que l’horizon des fabricants de computeurs n’est pas tant l’intelligence que l’imbécillité artificielle. Car l’imbécile n’est pas celui qui consent à la stupeur. C’est celui qui a réponse à tout. Incapable de s’ouvrir à ce qui le transcende, à l’autre, à l’événement, il mouline tout dans son petit système. Or un système informatique sait très bien s’enfermer dans un système. Manié par une intelligence humaine, il peut rendre des services ; mais, conçu de telle sorte que l’intelligence humaine doive s’en remettre à lui, il permet à l’imbécillité de réaliser des prouesses remarquables. » Fabrice Hadjadj.